Source photo : phinedo.fr
Nombreuses sont les atteintes à la pudeur dans notre Rue tunisienne, un constat tout à fait banal dans un pays « frustré » sur tous les niveaux…La drague ou plus exactement « el tbazniss » ne date pas d’aujourd'hui. Chaque époque a connu ses dragueurs et leurs heures de gloire…Néanmoins, ce phénomène a pris, de nos jours, des dimensions inimaginables ainsi qu’un caractère vraiment inquiétant voire effarent. Je ne vais pas jouer la sociologue et prétendre trouver des causes latentes à ce fait. Mais j’essayerai, par contre, de donner un bref aperçu des souffrances endurées par les femmes dans la rue. Ceci ne veut absolument pas dire que cet article vise à incriminer un parti aux dépens d’un autre ou à faire l’éloge d’une droiture féminine face à une perversion masculine.
Tout le mérite que peut avoir ce genre d’écrit est de lever le voile sur le vrai rapport Homme-Femme dans la rue, et d’oser transmettre de manière autant crue que réaliste, ce rapport qui se manifeste majoritairement sous forme d’insultes .C’est un cri de détresse que poussent les femmes au milieu du silence absolu de la voix éthique. Donc, si les expressions intégrées vous paraissent choquantes voire même inadmissibles, ne blâmez pas leur insertion dans un article mais plutôt leur profération libre en pleine rue, lieu public par excellence. Stendhal, accusé d’immoralisme pour avoir été trop réaliste, a déjà dit au 19ème siècle « (mon) miroir montre la fange et vous accusez le miroir ! Accusez bien plutôt le grand chemin ou plus encore l’inspecteur des routes qui laisse l’eau croupir et le bourbier se former !»
Traverser la rue pour aller au travail, pour aller étudier, pour se promener tout court est un vrai régal pour nous, femmes tunisiennes. En pantalon comme en jupe, en Jebba comme en manteau, tu excites ! Tu n’es qu’un corps ambulant, que des formes qui se déhanchent. On pourrait me dire : « mais c’est normal, après tout, les filles sont vêtues d’une manière provocante et l’homme ne peut que les remarquer » . Et c’est « légitime » si l’homme se contente de jeter un coup d’œil et de passer à autre chose mais ça devient vraiment grave quand la femme n’a rien fait pour . Son seul crime c’est d’appartenir à l’autre sexe. Ici, la gente masculine essaye simplement de remettre la femme à sa place « primitive » en lui rappelant le caractère parasitaire de sa présence dans le règne des hommes, idée ancrée dans les esprits et qui revient à dire inconsciemment ou consciemment d’ailleurs : « assume ton effraction de notre territoire ».
Et pour leur montrer que l’homme est « le roi de cette jungle sociale », les hommes tunisiens s’ingénient à extraire les expressions et les insultes du plus profond de leur libido. Ainsi, nous obtenons une palette tellement variée de remarques qu’il serait intéressant de classer.
Le paradigme des animaux : katoussa, 3asfoura, 7outta, khanfoussa …bien sûr généralement el « bazness » fait appel à ce genre d’insultes quand il est en manque d’inspiration ou bien lorsque la fille -« al moubaznass 3alayha»- est passée beaucoup trop vite sans lui avoir laissé le temps de formuler un bon discours dans les « règles du Tbazniss ». Le pauvre se trouve donc pressé par le temps et est obligé de lancer un de ces clichés avant qu’elle ne disparaisse, en se disant « elle sait pas ce qu’elle rate cette … »
Le paradigme des stars : là c’est quand le dragueur est imbibé de références culturelles et audiovisuelles.IL se sent, donc, en mesure de faire des rapprochements subtils entre ton physique et celui de l’une de ses stars préférées (ou même pas). Par exemple : une fille brune, peau mate, cheveux noirs, yeux marrons, (un peu le prototype de la fille tunisienne) passe, alors on lui balance « mala Madonna » ou encore « ti hay briitni ».
Il est vrai que la ressemblance n’est pas très remarquable mais qu’importe « el a3melou benniyet » .Mais, il ne faut pas exagérer non plus le dragueur peut très bien viser juste et faire sortir la bonne remarque en comparant la fille qui lui plaît ou qui ne lui plaît pas d’ailleurs, à une Hayfa ou à une Nancy .Car, ce ne sont pas les doubles dégradés de ces deux spécimens qui manquent à nos rues tunisiennes et une poitrine peut très bien en rappeler une autre, quoi de plus normal !
Le paradigme des accusations : là c’est quand « el bazness » se sent offensé jusqu’au profond de lui-même. Comment elle a osé mettre en doute le mélange impeccable, la recette magique d’un 350 gr de gel, d’une chemise dragon lamée et d’une paire de lunettes Maya l’abeille ? Comment elle a pu m’ignorer après tant d’effort ? Comment elle a pu passer sans m’accorder le moindre regard ? Elle se prend pour qui celle là ? . Après avoir posé ces questions existentielles, on lui crache avec toute la rage d’une âme indignée une flopée d’insultes plus inattendues les unes que les autres. Ça va de la plus banale « chkoun tesst5ayel rou7ek ? » à celles qui font appel à un vocabulaire principalement à caractère sexuel et sexiste bien entendu !
Le paradigme pornographique : Je n’abuse pas en affirmant que c’est le plus grand morceau !! Je ne vais pas me hasarder à analyser cela d’un point de vue psychologique et faire appel au jargon : frustration, sublimation, moi, sur moi, mais j’essayerai juste de rendre compte objectivement d’un état alarmant. Je laisse aux spécialistes le soin de l’examiner afin d’y remédier … ( bien que j’en doute fort)
Je n’exagère pas si je vous dis que les hommes qui hantent nos rues et nos moyens de transport sont un instinct à l’état brut, un esprit en perpétuelle érection , sinon comment pourrait- on expliquer le fait qu’un homme se délecte rien qu’en vous touchant le bout des doigts, cela sans parler des autres zones ? (et je laisse libre cour à votre imagination)…Nous serions incapables de faire l’inventaire exhaustif de toutes ces perles, ces bijoux d’insultes avec lesquels la fille tunisienne est quotidiennement parée. L’imagination perverse est débordante, son flot est intarissable …et l’on ose dire que les hommes tunisiens manquent d’inventivité et de création !!
Chronique par Sana S.
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