samedi 4 avril 2009

Cinéma: Les Anges de Satan d’Ahmed Boulane

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C’est une production de 2007 à laquelle ont pris part Néjib Ayed en tant que producteur associé et quelques techniciens tunisiens connus dont le regretté Elyès Zrelli comme premier assistant réalisateur.

Le film raconte le cauchemar vécu par un groupe de jeunes casablancais passionnés de hard rock après leur arrestation pour satanisme et ébranlement de la foi musulmane. Inspirée de faits réels, cette fiction s’attaque à l’obscurantisme intégriste qui tend à s’infiltrer dans toutes les sphères de la décision politique, et appelle à un combat de tous les instants contre les ennemis de l’art et de l’expression libre. Sur le plan technique et artistique Les Anges de Satan est quasiment sans défaut mais certains acteurs nous ont semblé manquer de professionnalisme ; heureusement que ce n’étaient pas ceux qui jouaient les rôles principaux, en l’occurrence les jeunes mélomanes condamnés lesquels ont fait preuve d’une maîtrise et d’un naturel étonnants. Néanmoins, le film choque par le faux dualisme qu’il instaure entre l’intégrisme islamiste et les idéaux très flous voire déracinés que défendent les hard rockers. La liberté, à en croire le réalisateur, serait de lâcher la bride aux jeunes et de ne pas contester leur engouement pour l’imitation des comportements et des choix d’une certaine jeunesse occidentale. Pouvoir porter des boucles d’oreilles, se couvrir le corps de tatouages, se percer le nez et les lèvres, mettre des t-shirts aux motifs pas toujours innocents, coiffer ses cheveux en queue de cheval, jouer du heavy metal, se passionner pour Spider man et les bandes dessinées européennes, sont-ce les revendications les plus pressantes des jeunes marocains ou maghrébins et arabes d’une façon générale ? A moins d’interpréter cela comme une métaphore du désir de changement radical qui anime les hommes libres dans ces contrées, nous n’y voyons qu’une bénédiction à peine déguisée de la déculturation. Le film, nous dit son auteur, vise à éduquer les jeunes. Nous avons beau chercher la leçon qu’il leur inculque, elle nous a échappé. Par contre, nous avons remarqué que dans le film ce sont les parents des jeunes qui ont été convertis à la « religion » de leur progéniture, ou s’y sont résignés (prosélytisme d’un genre différent en fin de compte). Pour un peu ils se seraient mis eux aussi à jouer du hard rock, à se faire des tresses de Bob Marley et à mettre des piercings sur leurs nombrils et entre les deux fesses ! Le réalisateur s’enorgueillit du fait que le public qui a aimé son film est composé essentiellement de jeunes. Certes, mais ce n’est pas un critère suffisant pour juger de la valeur d’une œuvre cinématographique ou artistique, autrement Ahmed Boulane laisserait entendre que les moins jeunes ne savent pas ou plus apprécier les bons films ! En tout cas et pour ne pas accabler ce très sympathique metteur en scène, nous dirons que le film nous aurait emballés davantage s’il avait choisi d’autres sujets sur lesquels la polémique avec les obscurantistes est vraiment d’actualité dans les sociétés arabo-musulmanes. Et puis, le combat des organisations et partis démocrates et progressistes n’est pas au Maroc ni ailleurs dirigé contre les seuls islamistes. Les Anges de Satan le laisse croire par moments.

Qui est Ahmed Boulane ?

Né en 1956 à Salé, ce cinéaste connaît beaucoup de succès notamment auprès des jeunes pour son audace critique. Il en est aujourd’hui à son troisième long métrage, les deux autres sont Ali, Rabea et les autres et Voyage dans le passé. Les Anges de Satan a réalisé plus de 120.000 entrées au Maroc et les films qui l’ont précédé ont remporté plusieurs récompenses nationales et internationales.

Bref entretien avec A. Boulane

Nous avons eu avec cet aimable réalisateur un bref entretien juste avant la projection de son film. Nous en rapportons ces extraits : « Mon film a remporté du succès auprès des jeunes parce qu’il se rapproche le plus possible de leurs préoccupations. D’autre part, il leur sert ce qu’ils aiment, c’est-à-dire du produit américain semblable à celui dont ils raffolent. Le rythme virevoltant de certaines scènes du film et la vie truculente qui caractérise ses héros sont diamétralement opposés à la monotonie des films marocains auxquels on les a habitués. Ce n’est pas que nous ne cherchions qu’à complaire à ce public, non ! Nous voulons l’éduquer aussi. Cependant, nous ne devons pas en tant qu’adultes exiger des jeunes qu’ils nous ressemblent en tout. Il faut trouver entre eux et nous des points de rencontre, un terrain d’entente. C’est un peu le message de mon film sur ce point. »

Badreddine BEN HENDA
Source : Le Temps

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